
Emmanuel Macron triomphe en Acadie
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Réélu avec 58,5% des voix au niveau national, le président de la République française a été largement plébiscité par la communauté française expatriée dans les provinces atlantiques.
C’est une élection présidentielle atypique et organisée dans des circonstances tout aussi inhabituelles qui a connu sa conclusion dimanche soir.
Emmanuel Macron a été reconduit dans ses fonctions pour un second mandat quinquennal. La plupart des analystes politiques voient dans son succès davantage un rejet de son adversaire, Marine Le Pen, plutôt qu’un vote d’adhésion en faveur du président sortant.
Sanctionné dans les départements et collectivités d’outre-mer et les régions rurales, mais conforté dans les territoires urbains de France métropolitaine, il a réalisé une performance exceptionnelle aux allures de plébiscite dans les consulats français au Canada.
À Montréal, où se trouve la plus grande communauté française expatriée dans le monde, M. Macron a obtenu 87,63% des suffrages exprimés. A Moncton, centre de vote pour les Français résidant dans les quatre provinces atlantiques, le résultat est sensiblement identique. En obtenant 82,21%, son score est comparable à celui réalisé par Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen, en 2002, sur l’ensemble du territoire français.
Les résultats à Moncton ne reflètent en rien ceux de l’ensemble des bureaux de vote en France. Ainsi, au premier tour du scrutin, Emmanuel Macron s’était d’ores et déjà classé largement en tête des suffrages exprimés (36,61%), suivi de Jean-Luc Mélenchon (25,3%) et d’Éric Zemmour (13,69%). Marine Le Pen, quant à elle, n’avait recueilli que 12 voix (3,57%), à égalité avec la candidate des Républicains, Valérie Pécresse.
Selon les chiffres publiés sur le site Internet du consulat, un calcul rapide permet de conclure que tous les électeurs d’Éric Zemmour, qui avait obtenu 46 voix au premier tour, ont reporté leurs suffrages sur la candidate du Rassemblement national.
Globalement, la participation citoyenne à cette élection est la plus faible depuis 1969. A contrario, compte tenu de la dispersion de la communauté française expatriée dans les provinces atlantiques, le taux de participation au bureau de vote du consulat général de France à Moncton est exceptionnellement élevé, beaucoup de procurations ayant été émises.
Ce taux, qui était de 32,37% au premier tour, était légèrement en hausse au second (33,04%). Toutefois, signe qu’une petite partie de l’électorat des autres candidats non qualifiés pour le duel final n’a pas souhaité prendre parti entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, 14 bulletins blancs ont été dénombrés.
« Personne n’est parfait mais, entre deux maux, il faut choisir le moindre », a déclaré Chantal Véchambre, expatriée depuis plus de 15 ans.
Celle-ci est revenu vivre à Dieppe après avoir passé quelques années à Toronto. Samedi 23 avril, elle s’est levée de bonne heure pour effectuer son devoir civique, qui est aussi un droit chèrement acquis.
« Certains de mes compatriotes en métropole ne comprennent pas pourquoi les Français de l’étranger votent, dit Chantal. Or, dans certains pays du monde, des gens pleurent pour pouvoir voter librement. Je veux exercer ce droit. »
Emmanuel Randrianirina Lheureux a lui aussi tenu à mettre un bulletin de vote dans l’urne. Le jeune trentenaire a exprimé des craintes face aux tensions internationales. En remplissant son devoir de citoyen, il a fait sa part pour, espère-t-il, éloigner les menaces qui assombrissent la planète.
« En ce moment, avec la Russie, il y a des défis qui nous font face. On risque une guerre mondiale si on ne vote pas pour la bonne personne », croit-il.
Au niveau local, le résultat de l’élection rassure Chantal Véchambre dans la perspective de la relation France-Acadie et de la pérennité du consulat à Moncton.
« En Acadie, on regarde la France comme la mère patrie. Le consulat est un marqueur du rayonnement de la France et revêt une importance historique pour la communauté acadienne. Je tiens à ce partenariat totalement unique et particulier », conclut-elle.

(Le consul général de France, Johan Schitterer, a personnellement accueilli ses compatriotes électeurs. Photo : Damien Dauphin)
Encadré : Une bonne nouvelle pour l’Acadie
Professeur en sciences politiques à l’Université de Moncton, Christophe Traisnel voit d’un bon œil la réélection d’Emmanuel Macron pour la relation entre la France et l’Acadie. En effet, celle-ci fut relancée durant son premier mandat après que le consulat ait été menacé de fermeture à l’été 2019.
« C’est plutôt positif, estime-t-il. L’accueil d’Antonine Maillet et d’une délégation de la SNA à l’Élysée a été de très bon augure. C’est un signal encourageant pour le consulat général de France dans les provinces atlantiques. »
Le président de la Société nationale de l’Acadie, Martin Théberge, partage cette opinion. La SNA ne s’exprime pas sur l’élection proprement dite, mais elle se réjouit que la relation revigorée en novembre 2021 peut se poursuivre.
« Nous n’aurons pas à reprendre le processus à zéro », déclare M. Théberge.
M. Traisnel croit que l’actuel président de la République française est à l’écoute des Français du Canada atlantique, et soucieux des enjeux de la Francophonie acadienne. En revanche, il pense que l’élection de Marine Le Pen aurait probablement suscité des inquiétudes.
« Qu’aurait-elle fait et comment sa politique aurait-elle été reçue par les partenaires de la France dans le monde ? Nul ne peut le dire, mais cela aurait ouvert la voie à une période d’incertitudes. »
De son côté, Emmanuel Macron a pris plusieurs engagements envers les représentants de la communauté acadienne.
« Il nous a dit que s’il était réélu, il serait heureux de venir en Nouvelle-Écosse pour le Congrès mondial acadien de 2024. Cela nous enchante, et nous allons lui confirmer notre invitation », a conclu Martin Théberge.
Damien Dauphin
IJL - Réseau.Presse - Le Moniteur Acadien